Lizard Cube : comment on (re)fait un jeu vidéo à 4 ?

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Voici un nouveau format pour CFSL, l’interview un peu longue à lire au coin du feu. Bon ok il fait 35°C mais même.
On s’est intéressés à Wonder Boy, un jeu créé par le studio Lizard Cube, composé d’Omar et Ben (et non pas Fred), Fiquet qui est un vieil habitué du café au passage qui ont bien voulu répondre à nos questions. Coucou aux autres membres du studio au passage : Michael Geyre &  o/

Duquel d’entre vous est venue l’idée du jeu ?

Omar: je pense que beaucoup qui ont joué à The Dragon’s Trap dans leur enfance ont pu s’imaginer étendre cet univers :) J’ai toujours eu une passion pour cette série et je voulais en faire quelque chose. Il se trouve que Ben, avec qui nous avons travaillé ensemble sur Soul Bubbles, a aussi été élevé à la Master System et connaissait bien le jeu, je lui ai alors proposé de faire ce projet ensemble.

Ben: De Omar, il a une passion Master System un peu débordante et bizarrement, il a réussi à m’entraîner dedans :)

Quand le projet a-t-il débuté ?

Omar: Nous avons fait les toutes premières recherches visuelles et technique à Noël 2013, puis lentement continué à faire rebondir des idées sur notre temps libre pendant un an et demi. C’est seulement autour de l’automne 2015 que nous avons décidé de nous mettre à notre compte et d’en faire un jeu réel.

Le jeu original est sorti en 1986, y avez-vous joué à l’époque ? Vos parents vous voyaient déjà faire carrière dans le jeu vidéo ?

Omar: En 1989! En 1986 c’était le premier épisode “Wonder Boy”, avec un gameplay de course d’obstacle, des bananes, des haches et des skateboards. Un peu différent ! La série s’est transformée en un jeu d’action aventure avec Monster Land en 1987 puis The Dragon’s Trap en 1989 qui est une référence du jeu. Nous y avons joué bien sûr, mon meilleur ami avait la cartouche et je lui ai emprunté le jeu pendant des mois. Déjà, à l’époque, je bricolais des jeux sur papier, ou des game-design dans ma tête, donc j’ai toujours clamé haut et fort vouloir faire des jeux vidéos, mais je ne sais pas si mes parents pensaient que ça pouvait être un vrai métier..

Ben: J’ai énormément joué à Wonder Boy in Monster Land, un peu plus tard à Wonder Boy III quand un copain m’a prêté le jeu. J’ai rapidement eu une énorme fascination pour le jeu, au point de recopier les personnages en pixel art sur papier millimétré. Les parents comme beaucoup n’imaginent pas qu’on puisse en faire un métier (surtout à l’époque) mais par contre ils m’ont toujours encouragé à dessiner et plus tard m’ont épaulé quand j’ai choisi de faire des études artistiques.

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C’est un remake, pourquoi avez vous choisi ce jeu spécialement ? Pourquoi ne pas avoir plutôt opté pour une suite à cette franchise ?
Vous avez déjà travaillé sur un jeu ensemble, mais c’est là première fois à deux, est-ce plus rassurant de faire un remake ?

Omar: c’est vrai que c’est plus rassurant de faire un remake, mais ça veut surtout dire que l’on peut se concentrer et faire quelque chose de vraiment bien au niveau de la qualité. Les animations traditionnelles prennent beaucoup de temps et d’énergie. On peut s’y consacrer parce que l’on sait exactement où viser, nous avons une sorte plan dès le début de la production. C’est très rare et c’est aussi pour ça que cette forme d’animation est rare dans le jeu vidéo. Sur un jeu complètement nouveau il y aurait une grosse part en plus de design et d’itérations qui n’auraient pas permis d’avoir à la fois la qualité de gameplay et la qualité des animations avec les ressources que l’on a. On ne voulait pas faire un premier jeu qui se rate sur un de ces points.

Et puis, on à déjà beaucoup à faire à apprendre à monter et gérer une boite (c’est pas une mince affaire en France!) alors c’est une façon aussi de pouvoir se concentrer sur une production plus facilement cernée, de réapprendre à travailler ensemble, et puis de sortir un jeu que l’on aime tous les deux.

Avez vous les même rôles que lors de votre dernier projet commun ?

Omar: Ben fait toujours le gros des visuels et animations, moi le gameplay et la technique. Mais ce projet est beaucoup plus gourmand en visuels et animations que Soul Bubbles, et puis on a sauté quelques générations au niveau visuels. En plus, il faut diriger la musique et les ambiances sonores, et gérer tous les deux le côté business du studio: il y a beaucoup à apprendre, en légal, en compta (pas toujours fun!), en soumission de dossiers, et puis évidement la communication, le marketing, les événements etc. que nous faisons ensemble avec DotEmu mais qui prennent quand même beaucoup d’énergie. Donc on est beaucoup plus éparpillés qu’on aurait pu l’être dans une boîte avec 5-6 personnes autour.

Ben: Vu que je ne sais pas coder et que Omar ne sait pas dessiner, les rôles ont été assez simples à définir pour la production du jeu :)
Par contre, tous les choix qui concernent la gestion de la boîte ou du projet, on essaye de se les partager en en discutant pour que chacun s’y retrouve.

Il doit y avoir des procédures afin d’acquérir les droit d’un jeu pour le rafraîchir, comment ça s’est déroulé pour vous ?

Omar: Plutôt bien, mais ça a pris beaucoup beaucoup de temps, les droits de la série étant assez complexe et un peu éparpillés. Nous avons fait les démarches initiales mais le gros du travail de sécurisation légale a été fait par notre éditeur DotEmu qui sont habitués à ce genre de tractations. Nos interlocuteurs Japonais ont dû aussi faire un gros travail pour ressortir et repartir sur la base de contrats datant des années 80.

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Outre les graphismes, qu’avez vous amélioré ?

Omar: le jeu tourne à 60 images secondes au lieu des 30 de l’original. Nous recréons évidement toute la bande sonore, avec Michael Geyre, en hommage à celle de l’original. Pour le reste, nous travaillons toujours sur le jeu et il est un peu tôt pour dire ce qui sera amélioré :)

Est-ce que c’est difficile de ne pas se laisser aller à trop personnaliser un remake?

Ben: En s’attaquant à un projet comme celui là, il y a forcément une grosse part de personnalisation. D’une part parce que le jeu original date de l’époque 8 bit, ce qui implique un manque de détails sur la partie visuelle liée aux contraintes techniques et d’autre part parce que en faisant des choix artistiques, il y a forcément une part de soi-même qu’on met dans les visuels.
L’important pour moi a été d’essayer de comprendre les intentions que les créateurs originaux ont mis dans leur jeu et de les retranscrire avec des graphismes actuels.

Omar: Nous avons tous un grand respect de l’oeuvre originale, alors il ne s’agit pas de la dénaturer. Bien sûr, Ben prend quelques libertés sur les visuels et il y aura des surprises..

Sur quelle plateforme le jeu est-il conçu ?

Omar: nous visons une sortie sur Consoles et PC au minimum. Nous n’avons pas encore décidé exactement sur quelles plateformes. Notre plateforme de “travail”, sur laquelle le développement avance au jour le jour, est une version PC.

Connaissez vous votre public ?

Omar: Il y a bien sûr tous les joueurs qui ont pu jouer aux jeux de la série sur Master System, Megadrive ou PC Engine. Mais on espère toucher davantage de gens. On a un jeu avec de l’exploration, un gameplay bien ficelé et accessible, des jolis visuels, une superbe soundtrack. On espère que ça touchera les gens par différents angles: les visuels élégants, les sensations de l’époque, la prise en main aisée. Il y a beaucoup de gens qui ont arrêté de jouer dans les années 90, quand les jeux devenaient trop compliqués. Peut-être qu’ils ou elles voudront essayer celui-là.

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C’est un projet que vous financez vous même ou vous envisagez le système Kickstarter?

Omar: Nous travaillons avec DotEmu qui finance le développement du jeu. Nous leur avons apporté un prototype et ils étaient tout de suite partants. C’est plus sain pour nous d’être sur un développement sans avoir à se soucier en permanence des financements. Nous avons évidement pensé à un Kickstarter, qui je pense aurait marché, mais je trouve que le schéma Kickstarter peut facilement te pousser à dénaturer ton jeu ou la nature de ton développement. Ici on peut se concentrer et faire le meilleur jeu possible, sans essayer de calculer et d’optimiser des rewards ou des étapes de développement anecdotiques pour réussir un Kickstarter.

Comment avez-vous défini la chaîne de production: code et conception d’abord ou modification du style graphique ?

Ben: les premières bases qui nous ont permis de savoir vers quoi aller ont été de faire des recherches visuelles. Mais Omar savait déjà vers quoi il allait aller au niveau du code. Mettre les deux ensemble a permis d’affiner les besoins techniques.

Omar: les deux en parallèle se nourrissent. Le style graphique est évidement le premier pilier de ce projet. Le second était d’avoir un jeu qui se joue et conserve les sensations de l’époque. Nous avons fourni un gros travail technique, archéologique disons, pour arriver à ce résultat. Hors de question de faire un remake de ce jeu culte et d’en perdre la somme de détails qui en faisait sa qualité.

Quelles ont été les contraintes au sujet de ce remaniement créatif ?

Ben: D’abord le respect des contraintes techniques de l’original. Les personnages ont déjà un timing pour leurs animations, ou bien les décors se basent sur un système de tiles qu’il faut réussir à utiliser tout en ajoutant de la variété.
Et puis essayer d’apporter un style personnel à l’ensemble, en utilisant des contours très marqués et crayonnés mais aussi des animations fluides animées à la main.

Omar: une difficulté est de pas nuire à la lisibilité du gameplay. Nous utilisons beaucoup de couches de scrolling parallaxes qui dans le cadre du jeu aident à plus naturellement délimiter les couches de gameplay des couches strictement visuelles. Et plus selon le contexte nous avons plus ou moins de liberté : pour les combats contre les dragons par exemple, le sol reste plat de manière assez évidente, le dragon est grand, et il est plus facile de pousser du détail dans les backgrounds sans nuire au gameplay.

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Est-ce vous qui prenez en charge toutes les étapes du croquis à l’animation ?

Ben: oui.

Comment avez-vous procédé pour réaliser les différents éléments graphiques, les décors, les personnages, les animations ?

Ben: Tout est fait sous photoshop, puis inséré dans notre moteur maison grâce à la magie du code :)

Quelles sont vos influences/ inspirations ?

Ben: J’ai été bercé aux animés des années 80, mais il y a énormément de choses qui m’inspire. Pour les designs je cherchais quelque chose entre la BD et les mangas comme Fly ou Dragon Ball. Pour l’animation, je voulais quelque chose proche de Aladdin (Megadrive) ou Earthworm Jim, Mickey Mania etc…

GameBlog à fait un très bon article à propos du jeu où il est mentionné l’approbation par le créateur, c’était important pour vous?

Omar: C’était non seulement important par respect et amour pour eux, mais aussi tout simplement par nécessité légale, car c’est le créateur original qui est toujours proche des ayant-droits. C’est tant mieux d’ailleurs!

Vous avez tout les deux des C.V assez bluffants, est-ce une des raison pour lesquelles vous n’êtes pas plus nombreux dans l’équipe ?

Omar: L’autre raison c’est que nous n’avons pas beaucoup de moyens ;)
Il est difficile de bien s’entourer, ca prend du temps. Faire une rencontre qui peut aboutir à un beau projet est quelque chose de rare, c’est comme une rencontre amoureuse. Agrandir l’équipe pourquoi pas, mais il faut que ça soit les bonnes personnes.

Ben: Les CV, c’est quand même assez relatif hein ! On a surtout l’avantage d’être tous les deux très polyvalents, ce qui nous permet de réduire le nombre de personnes nécessaires.

Que vous a apporté cette collaboration en petit effectif ?

Omar: A petit effectif les choses peuvent aller très vite, moins de gens à convaincre, moins de possibilité de malentendus, on fonce. On arrive quand même à ne pas toujours être d’accord, mais les différents se contournent plus facilement.

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En ce moment c’est pas le top, dans le jeu niveau parité/diversité ça se passe comment ?

Omar: Le jeu vidéo hélas comme beaucoup d’industries technologique n’est pas au top au niveau de la diversité (sous toutes ses formes), mais cela progresse petit à petit grâce au travail de chacun. Je suis très sensible à ces questions, si jamais nous devrions agrandir le studio je souhaite le faire dans un environnement qui soit sain et attirant pour tout le monde.

Pourquoi LizardCube? Un clin d’oeil a Donald Trump/ aux reptiliens parmi nous?

Omar: Oh vous savez, trouver un nom de studio qui n’existe pas déjà devient de plus en plus difficile. Lizard car c’est un des personnages emblématique de ce jeu, Cube par amour des choses simples, il y a quelque chose d’assez rétro dans la forme. Dans la plupart des jeux rétros on peut imaginer un univers construit à partir de cubes. Je ne connais pas le rapport avec Donald Drumpf mais si nous le croisons ça n’est probablement pas un clin d’oeil que nous lui ferions…

 

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