par Kim » 17 Juil 2007, 16:21
Il y a longtemps que je n'ai pas fait de speed. Moi qui ai arrété d'écrire, je m'y remets aujourd'hui.
Famille
C'était la troisième fenêtre à gauche au troisième étage. A cette heure-ci, la lumière était éteinte. Tout le monde dormait, fenêtre ouverte naturellement car c'était bien plus agréable pour supporter cette chaleur quasi estivale. Debout en face dans la rue, il observait cette troisième fenêtre ouverte. C'était l'heure et quelque part dans sa poitrine, il ressentait comme un tremblement, une hésitation. Il avait peur, oui, peur aussi bizarre que cela puisse paraître. C'était un vampire, un homme qui depuis quelques années déjà, buvait le sang des autres la nuit. C'était un être invulnérable mais qui tremblait devant une minuscule ouverture.
"Il est l'heure."
La voix qui venait de parler était celle de celle qui l'accompagnait. Une paumée comme lui, une déboussolée qui du jour au lendemain s'était retrouvée dans la même situation que lui: Condamnée à l'immortalité et à la bestialité.
"Je ..."
Il avait envie de partir, de s'enfuir au loin, de courrir autant qu'il pouvait pour s'éloigner le plus de cette fenêtre, s'en cacher, ne plus y penser ...
"Si tu ne veux pas y aller, je comprendrais."
Mais en même temps, il fallait qu'il le fasse. Il fallait qu'il sache. Il s'entrainait depuis de nombreuses années déjà et toute cette énergie dépensée ne devait pas l'avoir été pour rien. Il fallait qu'il sache.
"Non, je vais y aller."
"Fais attention. Au fait ..."
"Oui ?"
"Je t'aime."
Elle l'embrassa comme pour lui donner courage. Il l'embrassa aussi partageant avec elle une fois de plus un ce ses baisers sans chaleur échangé entre deux êtres morts. Ce baiser le réconforta quelque part, ravivant au fond de lui même la flamme du courage. Il fallait qu'il le fasse.
En quelques secondes, il se retrouva au troisième étage face à la fenêtre ouverte et aux rideaux agités par la bise nocturne. C'était une chambre d'ado avec au mur, des posters de stars de la musique, de vedette de cinéma et d'autres célébrités en vogue du petit écran. Sur un meuble bas de rangement, se trouvait un miroir avec des photos accroché dessus, des produits de maquillage et des bibelots. Dans un coin de la pièce, un bureau bien rangé avec des trieurs plein de feuilles blanches, un pôt à crayons, des livres ... Au pied du bureau, un sac à dos fermé.
Ailleurs dans la pièce, un lit. Et sur ce lit, elle dormait. Elle était si belle quand elle dormait. Si belle ... Pour lui, c'était une inconnue qu'il n'avait jamais vu, et pourtant, il savait qu'elle ne lui était pas si inconnue. Elle avait grandie, changée, poussée, pris des formes depuis la dernière fois qu'il l'avait vue. La dernière fois, il y avait treize ans sept mois et vingt deux jours. Avant qu'il ne se décide à partir pour l'épargner. Il avait peur alors, il ne s'était pas entraîné à controller ses pulsions. Elle ressemblait à sa mère, aussi belle qu'elle dans son sommeil. Auparavant, il lui arrivait de regarder sa femme dormir. Immobile, il se dégageait d'elle alors comme une sérénité, une quiétude qui le rendait heureux, l'emplissant de la joie de se trouver avec elle, de ne plus être seul.
La même expression se dégageait de ses traits. La même quiétude, la même sérénité, la même respiration. Ce n'était pas la même respiration que celle des gens dont il buvait le sang chaque nuit. Non, il s'agissait d'autre chose, quelque chose d'indéfinissable qui le faisait frémir au plus profond de son être. Fille. C'était sa fille qui dormait là, sa fille qu'il avait peu connu, sa fille qui dépassait à peine les cinquante centimétres quand il avait dû partir.
Il s'approcha d'elle avec comme une boule au fond de sa gorge. La chaleur du corps déclencha chez lui la pulsion. Dans sa bouche, ses crocs commençaient à jaillir, le goût du sang imprégnait sa langue, son corps s'enflammait exigeant du sang. Il lutta contre cette pulsion, contenant ses crocs, avalant sa salive, maîtrisant son corps. Il ne fallait pas. Il ne devait pas. Il s'approcha d'elle et lui déposa un baiser sur la joue. Elle avait la chaleur des vivants et une odeur indéfinissable, une sorte de mélange de l'odeur de sa mère et ... de son odeur à lui. Il se releva bientôt et s'éloigna à pas feutrés. Sa femme avait été la première victime de sa nouvelle condition. Aujourd'hui, il ne lui restait plus que sa fille et il ferait tout pour la protéger. Il enjamba la fenêtre. En bas l'attendait sa compagne, celle avec qui il vivait mais avec qui il ne pourrait jamais fonder de famille.
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