Hier, un client qui vient avec sa fille. Il me commande sa pizza pour 18H30 et comme d'habitude, sa pizza n'est pas prête à l'heure. Il bougonne un peu, je l'engueule gentiment en lui disant que d'habitude, il arrive toujours avec un quart d'heure de retard. On joue donc. Il n'est pas allé manifesté car il avait trop de boulot. Il bosse à mi-temps dans un cabinet comptable et surtout est gestionnaire d'une boîte installant du matériel "énergie renouvelable" (genre panneau solaire, isolation etc.). Là, il en a marre car il doit se taper tout le social de l'entreprise -en plus des litiges avec les clients sur le boulot de l'ancien patron de la boîte. Et comme il a déjà un mois de retard ... Sa fille a trouvé un stage de découverte pour sa troisième. Pendant une semaine, elle découvrira le métier de vétérinaire. Je lui souligne le côté original de ce choix de stage. Surtout pour une fille. Ce n'est pas comme si la plupart des filles aimaient les animaux. J'ajoute aussi que les animaux sont cools car si un animal a un cancer et qu'on l'a mal soigné, la famille ne portera pas plainte contrairement aux proches d'un être humain.
Plus tard, un client d'origine arabe et ancien musulman. Il est allé manifesté et il comprend aussi l'indignation dans les pays arabes à la suite de la sortie du dernier "Charlie Hebdo". Le problème, c'est la représentation de Mahomet. Au niveau de l'Islam, il n'y a pas de "culture de la représentation" comme dans les autres religions. Il n'y a pas de tableaux sur la naissance du prophète comme pour Jésus, Marie etc. Le Mahomet que chacun adore est la vision qu'il s'en fait. Quelque chose d'assez abstrait en quelque sorte. Ce qui choque donc, c'est le fait de représenter Mahomet avant le message plutôt positif du titre. Mais l'attentat de Charlie commence à faire changer certaines choses. Certains modérés comprennent que pour s'intégrer, il faut aussi accepter que le prophète puisse être représenté en bien ou en mal. Notamment par des non croyants. Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire, conclut-il. Beaucoup.
Pour finir, je vais vous donner la vérité absolue sur l'attentat de Charlie Hebdo. Cette vérité, je la tiens d'un homme extrêmement informé et très observateur: un pilier de comptoir. Il n'est pas allé manifesté car lui, il ne veut pas qu'on le voit. Il veut rester petit dans son coin. Il touche sa retraire (ou plutôt sa curatelle lui donne des sous) et il mène sa petite vie avec son petit pécule. Il ne fait pas de vagues. Alors, il ne va pas aux manifestations. Surtout que dans celle là, les gens ont peut-être tort. Lucide, il a quand même compris ce qu'il y a derrière tout ce mouvement "Je suis Charlie". En fait tout ce mouvement, c'est pour faire vendre le journal "Charlie Hebdo". Je lui réponds qu'il y a des moyens plus économiques qu'une dizaine de morts pour faire de la pub. Non, non, non, il est sûr de son opinion. Quand quelqu'un se fait écraser par une voiture, on n'en parle pas. Donc, là, c'est de la pub. Il le sait car il l'a observé au bar- tabac du coin. Les gens viennent acheter Charlie mais ils sont sur liste d'attente. Le buraliste a sa liste et il donne le journal au fil des personnes. Si cela se passe comme ça, c'est que toute cette affaire, en fait, c'est de la pub. Que de la pub. Et il me reprend une bière pour la route. Quand il part, je repense au slogan de la série X-files: La vérité est ailleurs. En fait, elle n'est pas ailleurs. La vérité est au fond d'un verre si on en croit les piliers de comptoir.
Kim