3615 Ma vie

[Kim]

Quand je n'avais pas de travail, mon psychiatre m'avait conseillé de faire un emploi du temps. L'emploi du temps est une manière de prévoir ses activités. On fait un planning de ce qu'on va faire afin d'essayer le moins possible d'avoir des activités passives (genre surfer toute la journée sur le web). Le but est de se tenir occupé. L'inactivité, en effet, est le moment propice où les envies suicidaires peuvent se manifester. Ne travaillant plus, il me faut donc m'occuper.

C'est dans ce but que je me lance dans plusieurs projets. L'un d'eux est un graph. Je ne suis pas un grapheur. Je n'ai jamais graphé. Je n'ai aucune formation graphique et pourtant j'ai un projet de graph. Avant d'évoquer ce projet, je vais parler rapidement de la ville de Périgueux.

Périgueux est MA ville, une ville que j'ai au plus profond de moi-même, envie de faire bouger. Au niveau tourisme, Périgueux est à la traîne. En Dordogne, Sarlat verrouille tout. Sarlat, avec les châteaux de la Vallée de la Dordogne à côté, tout comme nombre de grottes, attire le chaland en mettant en avant sa vieille ville médiévale. Périgueux a une vieille ville aussi - et de splendides ruines romaines - mais a dix ans de retard sur Sarlat. Si Périgueux veut attirer des touristes, il faut qu'elle devienne autre chose, un type de ville qui ne se voit pas ailleurs. Une de mes convictions à ce sujet, est de l'orienter vers un aspect graphique trés fort. Or comment faire évoluer cette ville ? Le centre ville est ultra-classé au niveau des monuments historiques. Il est impossible d'y faire quoi que ce soit. Mettez un bout de couleur rouge sur une porte, il faut le retirer, le mettre en vigueur. L'architecte des bâtiments de France veille. Tout doit être au mieux dans des tons trés neutres. Nombre d'élus considèrent le graph comme une nuisance. Ils n'y voient pas d'intérêt artistique, ils ne voient pas le potentiel que représente le graph pour une ville. Comment bouger ce mammouth culturel ? En le faisant évoluer au niveau de la mentalité.

C'est pour cela que j'ai prévu de faire ce graph. Je l'ai conçu avec mes modestes moyens. je ne sais pas dessiner mais je sais raconter des histoires. Ce graph ne sera pas un dessin mais une histoire, un peu comme une BD. Le message est un message universel, quelque chose d' incondamnable. Je prévois de le faire au cœur de Périgueux, avec l'aval des autorités, de l'architecte des bâtiments de France etc. Pour le faire, je ne peux être seul. Il faut que ce graph aille dans une démarche précise, qu'il soit porté par des associations liées au message. Tout cela implique contacter des associations, leur présenter une maquette du graph, tout comme il faudra que j'en présente une aux différentes institutions, au lieu sur lequel il sera tracé.

Je ne pensais pas le faire en centre-ville mais c'est en parlant avec des personnes s'occupant de la Culture sur Périgueux, qu'on m'a encouragé à le faire dans une démarche. Le projet est quasiment terminé graphiquement parlant. Je ne serai pas payé pour cela et je ne le ferai pas payer. Cela va faire bondir la plupart des artistes de ce forum. Toutefois, pour moi, c'est normal. Ce n'est pas en mettant un prix qu'on fait changer les choses. Pour apprivoiser des gens, faire changer des mentalités, il est vital que les choses soient gratuites d'abord. Ensuite, quand le potentiel de la démarche globale, aura été compris, alors, les choses évolueront. Des artistes seront payés pour travailler dans Périgueux.

Je dois être un fou avec une vision comme on dit. On peut faire de l'art en sachant peu dessiner. C'est de l'art "limité" mais cela peut marcher.

Kim

 

[Kim]

Un camion a foncé sur la foule à Berlin. Quelques mois avant, un autre camion écrasait une foule à Nice. Encore avant, deux types se faisaient exploser dans l'aeroport de Bruxelles. Auparavant, un mitraillage avait lieu au Bataclan, sur la terrasse de cafés/ restaurants et des kamikazes sautaient devant le stade de France. Et en Janvier, un type prenait en otage les clients d'un supermarché kasher. Quelques jours avant, deux fous décimaient la fine fleur des dessinateurs de Charlie Hebdo. Au début, nous étions tous Charlie. Depuis, la violence semble se banaliser. "Ich bin ein berliner" a replacé "Je suis Charlie" depuis que l'Allemagne a eu droit à son électrochoc. Derrière quel slogan communierons nous demain ?

Dans ce monde où les partis politiques populistes ont le vent en poupe, où les règles de sécurité extrêmes semblent devenir la norme, où demain, des Guantanamo "anti-terroristes" risquent de surgir, je me suis posé une question: Si le type ayant écrasé la foule à Berlin, était innocent ? Attention, le type est sûrement coupable et cette question n'est là que pour être le début d'une hypothèse fictive. Cette interrogation m'est venue suite à une réflexion sur la mémoire. Si quelqu'un implantait à une personne de faux souvenirs, si ce quelqu'un implantait des automatismes à exécuter à un instant T, si le conducteur du camion vivait toute la scène en spectateur et ne reprenait le contrôle sur sa personne qu'une fois le camion arrêté ... Que se passerait-il aprés ? L'homme serait arrêté, interrogé, condamné. En prison, il serait molesté. Si un Guantanamo pour terroriste voyait le jour, il serait torturé. Et face à tout cela, il serait innocent car on l'aurait reprogrammé. Comme on reprogramme un ordinateur.

On a ici, l’embryon d'un récit avec un complot (car la théorie du complot arche toujours), une histoire improbable car reprogrammer quelqu'un demande plus d'argent qu'inciter une organisation extrémiste à agir, mais l'idée d'un XIII passif face au complot, me réjouit. Pas de débauche d'effets spéciaux. Juste l'histoire d'un homme broyé par un système, un type qui même au sortir de l'histoire, serait déboussolé, qui douterait sur tout ce qu'il a vécu, tous ses souvenirs, et qui malgré tout, continuerait à vivre. Imaginez que vous, lecteur de cette brève, ayez été privé d'une partie de vos souvenirs, que le souvenir de vos vacances d'été, ne soit pas vrai; que durant cette période, on vous aie mis en scène dans un pseudo camp etc. Qu'une personne ordinaire soit reprogrammée en terroriste sur un temps l'espace d'un instant.

Je sais, c'est un récit fantastique. Je sais que cela ferait de chacun d'entre nous, une sorte de répliquant. Mais en même temps, la bande annonce de la suite de Blade Runner vient de sortir. Cela doit influer sur mes idées.

Kim

 

[Kim]

Aujourd'hui, la princesse Leïa est morte. En fait, Leïa n'est pas morte mais l'actrice qui l'incarnait, a succombé à des problèmes cardiaques. Sur les réseaux sociaux, les gens pleurent sa mort. La disparition du chanteur Georges Michael a été éclipsée par celle de Carrie Fisher, pardon, la princesse Leïa.

En toute honnêteté, je ne connais pas bien la carrière de Carrie Fisher, hormis sa prestation dans Star Wars. Hormis un second rôle dans "Quand Harry rencontre Sally", je suis incapable de citer un autre de ses rôles. Finalement, ce que personnellement, et comme beaucoup d'autres, je ne vais retenir de sa carrière, c'est son rôle de Leïa. Un rôle, un personnage. Pour Mark Hamill, on ne retiendra sûrement que Luke Skywalker. Pour Harisson Ford, on dira Han Solo, Indiana Jones, Blade Runner etc. Bref, tout un tas de rôles. Il n'y a d'un côté que les acteurs qui n'ont pas pu se sortir DU rôle qui les a fait connaître et de l'autre, celui qui a su s'en sortir.

C'est étrange ce fait, d'être prisonnier d'un rôle. Vous êtes connu, catalogué. Il est difficile de sortir de cette "norme" donnée par un succès. Leïa a peut-être emprisonné d'une certaine façon Carrie Fisher.

On pourrait faire une parallèle avec certains succès au niveau de la BD. Hergé, c'est Tintin; Uderzo, c'est Asterix. Sauf que même si les auteurs ont eu d'autres oeuvres ayant moins de ventes, ils ont passé du temps sur ces personnages. Rosinski a passé plus de trente ans à dessiner Thorgal. Pour un acteur, c'est autre chose. La princesse Leïa, ce n'est que quatre films pour Carrie Fisher.

Cette mort bouleverse le monde. Le fan inconditionnel se pose déjà des questions: Vont-ils mettre une autre actrice dans le rôle de Leïa dans le prochain Star Wars ? Elle ne sera jamais au niveau de Carrie Fisher mais bon, il faut bien la remplacer. Combien de micro-réflexions de ce type traverseront le fan ? Le casse tête en fait, est entre les mains des créateurs du prochain Star Wars. Cette mort va influer sur le montage du film, sur la place du personnage. Peut-être que dans Star Wars 9, Carrie Fisher sera refaite en 3D. Sera t-elle créditée du coup à la fin du film ? La technique peut remplacer un acteur, même au cinéma. Qui est irremplaçable ?

Kim

 

[Kim]

Je me remets à écrire sur 3615 Ma Vie, peut-être pour me motiver.

Une motivation, c'est un but que l'on se fixe. Dans mon cas, il s'agit d'organiser un festival de bières sur Périgueux. Pourquoi ? Parce que les festivals de bières ont la côté en ce moment et qu'il y a du potentiel évènementiel. Avant d'aller plus loin, mon esquisse d'étude de marché sur l'évènement. Localement sur Périgueux, il y a un festival de bières dans un village à côté. Il s'agit d'un festival local rassemblant les producteurs de bières indépendants de Dordogne. L'évènement a lieu en Mars-Avril. Il y a donc de la place pour un évènement plus gros, plus régional d'abord. En festival plus important, il y a le Blib à Bordeaux début Octobre. Il faut que je continue à lister les festivals de la bière dans la région proche.

Ceci mis à part, je vais lister d'abord les problèmes dûs à ce genre de festival. D'abord, je suis tout seul. Il va falloir que je trouve du monde pour m'épauler. Ensuite, je ne connais pas trop le monde de la bière et en bois peu. Je vais du coup, me fier à des avis. Pour finir, le budget. Au niveau de ce festival, la Mairie ne donnera rien en terme d'argent (mais peut-être en terme de structures). Le financement sera dés lors un passage par la case Ulule.

Voilà pour les gros obstacles. Mais bon, la foi peut soulever des montagnes comme on dit.

Kim

 

[Kim]

Depuis Septembre, j'ai décidé de reprendre mes études. Ma décision exactement est de devenir infirmier. A quarante ans, me voici donc sur les bancs d'une prépa avec une vingtaine de jeunes dont je pourrai être le père. Mais bon, je gloserai sur la prépa en elle-même, plus tard. Actuellement, je fais un stage en EHPAD. Un EHPAD, c'est un Établissement d'Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes. Si je devais donner une autre définition de l'endroit, ce serait "Là où les vieux vont mourir".

Quiconque est allé dans ce genre de maison de retraite, se souvient d'une chose: l'odeur. Ce n'est pas l'odeur de la mort mais celle de la vieillesse. Tout est aseptisé, partout les soignants se lavent et pourtant, l'odeur des vieux demeure. Ce parfum est la première chose qui marque. Qui marque et qui vous marque car aprés quelques jours, vous vous apercevez que vous avez ramené cette senteur chez vous.

Durant les premiers jours en EHPAD, on m'a demandé de suivre des aides soignantes. La première des choses que l'on m'a montré, fut la toilette. Exactement, la toilette dans le lit. Ce type de toilette a lieu quand le patient ne peut bouger de son lit. La première fut une dame aux cheveux couleur neige comme tant d'autres ici. Les premiers mots firent "Bonjour Mme ..., Vous avez bien dormi ?" "Voici Kim, le nouveau stagiaire. Il est là pour apprendre le métier". Ensuite, on défait le lit. On ôte le drap et la couverture. La malade se retrouve en petite tenue soit en chemise de nuit et en couche. La couche des vieux est différente de celle des enfants. Elle est plus résistante. Et une fois posée, elle est recouverte avec un porte-couche, une sorte de slip élastique en matière médicale. Je dis matière médicale car je ne sais pas trop comment définir cette sorte de polymère à la fois jetable et résistant. On bascule ensuite la patiente sur un côté. Cette dernière s’agrippe à la barre de son lit pour ne pas retomber. Pour plus de sécurité, je la tiens comme on m'a demandé de le faire. L'aide soignante détache ensuite la couche. Cette dernière est pleine d'urine et de merde molle noire. C'est à cause du fer, m'explique l'aide soignante tout en retirant délicatement l'excrément avec ses gants en plastique, ses protections en plastiques et le papier pour essuyer. Le fer colore le caca en noir. Tu verras, comme quasiment tous les pensionnaires en manquent, c'est toujours comme ça. Une fois les déchets organiques enlevés, la toilette commence. D'abord, c'est l'inspection. On regarde dans les plis de la peau s'il n'y a pas des rougeurs ou des coupures. Ce sont les premiers signes d'infections. Des escarres ? je demande. Non, ça, c'est plus tard. D'abord, ce sont les rougeurs et les coupures qu'il convient de localiser et de signaler. On examine et on me montre les plis des jambes, les bords de la raie des fesses, l'intérieur du vagin ... Une pensée me traverse rapidement. Si j'étais à la place du patient, je me sentirai violé en ayant ainsi mon intimité étalée au grand jour aux regards d'inconnus. Mais ce sentiment est parti chez la patiente qui chaque jour, est lavée par des soignants hommes comme femmes. Ensuite vient la toilette proprement dite. Elle se fait avec un gant, du savon et de l'eau. Quand le patient a un savon, on le fait avec son savon. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus hygiénique mais cela permet de laisser au patient un petit quelque chose à lui. Le geste se fait toujours dans le même sens. Il ne faut jamais repasser où on est déjà passé avec le gant. Une fois la toilette intime achevée,on replace la couche et le porte couche. Si ce dernier est souillé, on le change et on met le vieux à laver car ils se récupèrent. Puis la toilette continue sur le haut du corps. On ausculte les plis des bras, sous les épaules, sous les seins. Et quand il y a une coupure, on lave puis on badigeonne d'éosine. Quand c'est rouge, on étale une poudre. Pour finir, c'est les pieds et les doigts de pieds. Quand on a le temps. Car souvent on n'a pas le temps, me lâche l'aide soignante. On habille ensuite la malade et on la bascule sur un fauteuil roulant. On allume la télé et avec des mots doux, on laisse la vieille dans sa chambre. La toilette dans le lit, c'est pratique car on peut facilement déceler les anomalies. Plus tard, on me montre d'autres toilettes allant de la douche assise à la semi-toilette. On place le patient sur une chaise où il fait ses besoins pendant qu'on borde son lit. Ensuite, on le lave au gant au niveau des parties intimes. Puis il finit de se nettoyer avec un autre gant. Il se brosse les dents. Il se repeigne.

Dans la journée, je croise une pensionnaire en fauteuil roulant qui essaie d'ouvrir les portes de secours. Elle veut retourner chez elle. D'ailleurs, on doit venir la chercher. J'essaie vainement de la raisonner. Elle veut partir. Elle s'approche des portes automatiques de l'entrée. La secrétaire m'explique avec des signes dans le dos de la vieille, qu'elle a condamné les portes. Dans un pieu mensonge, j'explique à la dame que les portes sont bloquées et qu'on doit attendre l'électricien. La secrétaire pose une pancarte indiquant aux visiteurs de passer par une entrée sur le côté. La vieille part ailleurs dans les couloirs. Je croise les soignants qui me disent qu'il y a d'autres personnes à voir. Nous faisons notre tour. A la fin de la journée, la vieille est toujours dans un couloir. Elle ne cherche plus à partir. Elle parle à un extincteur. Le lendemain, on m'expliquera que son délire était dû à un changement de médicament ayant créé un délire.

En fin de journée, je repars me changer dans le vestiaire commun. La porte s'ouvre, une aide soignante s'excuse et referme la porte gênée, alors que je me déshabille. La pudeur a peut-être déserté les pensionnaires mais elle reste toujours présente chez les soignants.

Kim

 

[Kim]

Ehpad

Là, les horaires sont fixes. Le travail est organisé selon le temps plus que les besoins des patients. A 11H30, a lieu la transmission. Chaque aide soignant ou chaque ASH doit avoir fini ses toilettes avant la transmission. Quand le personnel est en sous- effectif, la transmission est repoussée mais tout doit avoir été fait avant le repas. Dans ces moments, il arrive que la douche, le nettoyage poussé hebdomadaire d’un patient soit repoussé. Les seuls qui y ont droit alors sont ceux dont la famille est pointilleuse et se plaint auprès du personnel. Ou quand la mamie qui ne se lave pas, se fait pipi dessus. On profite de l’occasion pour la laver entièrement.

A cela s’ajoute le fait que l’EHPAD étant en déficit et qu’une nouvelle gestionnaire étant arrivée, le personnel va encore être réduit. Certains ASH vont ne pas être renouvelés. Le personnel risque d’être encore moins nombreux et les moments en sous effectif vont, dés lors, devenir prochainement la nouvelle norme.

Une des conséquences de ce manque d’effectif ou de ce travail à faire dans l’urgence, tient au soin apporté aux malades. Le personnel courre ici et là, sans arrêt. Quand une mamie se met à pleurer dans le petit salon, on me conseille de la laisser « chouiner » car elle le fait régulièrement. Et puis, faute de temps, personne ne s’arrête pour essayer de l’écouter et trouver ce qui ne va pas. Quand une pensionnaire en fauteuil veut partir et tente d’ouvrir les portes de secours ou de s’enfuir par l’entrée, on bloque les portes d’entrée et on la laisse vaquer dans les couloirs en surveillant rapidement, histoire qu’elle ne parte pas. En fin de journée, elle parle aux extincteurs du couloir comme s’il s’agissait de personne. Le lendemain, elle revient en chambre et quand le médecin passe, on lui indique que Mme L. a eu des hallucinations à cause d’un traitement qui lui a été prescrit. La médication a été arrêtée depuis.

L’institution règle la vie. Les repas sont tous pris à la même heure. Quand les résidents sont malades, le personnel porte un masque et tous les résidents mangent en chambre. Trier les quelques non malades et les emmener dans la salle à manger, serait trop long. Surtout avec le sous- effectif.

Le personnel grogne. Les soignants savent que demain, ils seront moins nombreux. Les ASH se doutent qu’ils vont partir et regardent ailleurs. Une ASH qui allait partir deux semaines en vacances, annonce qu’elle ne reprendra pas car elle a trouvé du travail dans une autre structure.

Les infirmières compatissent aussi à cet état de fait. Elles ont du travail à n’en plus finir. Elles sont trois et tournent en roulement. Une infirmière doit toujours être présente. Elle applique les traitements. Ici, c’est un traitement par fulmigation. Là, ce sont des pansements à refaire. Il y a aussi le pilulier à préparer, les médicaments à distribuer pour le petit déjeuner, les repas, le quatre heure et le goûter. L’infirmière est partout. Quand un membre de la famille d’une patiente vient la trouver car sa tante n’est pas bien, elle explique, réexplique souvent encore et encore jusqu’à ce que la nièce finisse par comprendre. Et ses explications lui font prendre du retard, retard que ne comprend pas la gestionnaire car normalement, elle devrait être à l’heure et parce que l’imprévu ne figure pas sur le planning.

Tous les soignants grognent et tous savent qu’il va falloir faire des efforts. L’animatrice en charge des jeux avec les résidents a aussi le spleen. Son maigre budget va encore fondre. Aprés douze ans en Ehpad, elle aussi songe à arrêter.

Et puis, il y a les résidents. Certains ne comprennent pas. Une ancienne infirmière prend plaisir à raconter son histoire, comment elle a commencé durant la guerre en apprenant le métier avec la Croix Rouge. Elle y avait même rencontré son mari. Et puis quand elle parle de l’EHPAD, elle ne comprend pas. De son temps … De son temps …
Pour éviter que certains résidents ne craquent, on leur donne des anti-dépresseurs. Séresta et consorts parsèment les doses journalières. Avec les dolyprane pour calmer les douleurs de saison peut-être. La psychologue sur place m’explique que le plus dur pour les gens sur place est de faire le deuil. Le deuil de leur indépendance. Le deuil de leur mobilité. Le deuil de leur vie d’avant. La pensée du « deuil d’eux même » me traverse. L’EHPAD est peut-être le dernier lieu où l’on place les vieillards parce qu’on ne peut les garder et qu’il faut bien les mettre quelque part.

Une malade se laisse glisser. Elle ne se nourrit plus. Ou quasiment pas. Le goûter consiste pour elle à humecter ses lèvres dans le verre de sirop. Le personnel sait qu’elle ne souhaite que partir et continue sa routine. On ne lui arrêtera ses médicaments que le lundi car durant le week-end, elle a demandé à voir un prêtre. L’infirmière de service se charge d’en contacter un pour qu’il vienne le jour même ou le lendemain. Quand une personne décède en EHPAD, les croque morts viennent s’occuper du corps. Ensuite, la chambre sera relouée rapidement car les places libres sont rares et les vieillards nombreux.

Outre les patients qui ne comprennent pas, pleurent ou veulent mourir, il y a ceux qui ne laissent rien transparaître. Ils sont alités, ne parlent pas. On les fait manger et boire de l’eau gélifiée car ils la digèrent plus facilement. L’un d’eux reste dans son lit durant toute la journée. Les photos sur le murs rappelle sa mobilité d’antan. Maintenant, il ne s’exprime plus mais mange encore. Une dame sur un lit avec un matelas à air, a eu des problèmes à la jambe. On la lève avec un lève -malade -une sorte de treuil - et on la place dans son fauteuil en faisant attention. Un aide soignant me montre fièrement comment installer un malade avec un lève-malade qui tomberait en panne. La fille de la patiente vient la voir régulièrement et la promène dans le jardin. Durant la pause, on m’explique que l’institution aime les personnes dépendantes car elles amènent plus de subventions.

Il y a aussi les résidents mobiles. Deux sœurs s’égarent parfois dans les chambres d’autres. Elles ne sont pas méchantes et oublient un peu. Il y a aussi la dame que son fils a mis là depuis qu’elle s’est faite agressée chez elle. Il craint pour elle et lui a donc pris une chambre dans l’institution. Elle habite en face, passe souvent la journée chez elle et revient le soir. Là, elle harangue certains pensionnaires qui ne vont pas, les enjoignant à se ressaisir car ils se laissent trop aller. Certains optimistes sourient comme cette dame aveugle en fauteuil qui aime être déplacée ici ou là, toujours avec le sourire. Ce qui compte peut-être plus qu’ailleurs, est de trouver une nouvelle routine en EHPAD, chose que certains ont du mal à saisir. Mais est-ce si facile quand le seul espace qui reste à certains, se limite à leur chambre.

Durant mon stage, nous culminons à 5 stagiaires pendant une journée. Les stagiaires ne sont là que pour observer mais on les responsabilise vite. Tu veux essayer de faire une toilette ? On t’explique comment laver la personne. La seule toilette que l’accompagnant fait lui-même, reste la toilette intime. Rapidement, on vous demande de faire manger des personnes dans leur chambre etc. Il y a à la fois une envie ici de faire partager le travail mais aussi une conscience du lendemain. Demain, le personnel sera moins nombreux. Les futurs absents seront compensés par des stagiaires qui même observateurs, se verront confiés certaines tâches. Chaque jour, je reste vingt minutes de plus pour finir de faire manger des malades. Cela soulage le personnel mais en même temps, on m’explique de ne pas trop en faire car sinon, je risque d’être happé par la machine institutionnelle.

Une chose me choque : Quand je parle avec des stagiaires, le personnel travaillant sur place ou les membres de la famille venant quasiment chaque jour, tous ont la même réponse : Personne ne veut être plus tard en EHPAD. Moi même quand je m’en vais, n’ai pas cette envie. En partant, je repense à ce que la gestionnaire et nombre de personnes travaillant sur place m’ont demandé. Avez vous vu l’émission à la télé, l’autre jour ? Ils montraient une structure privée où deux aides soignantes s’occupaient d’une cinquantaine de résidents. Une honte. Ici, c’est mieux. C’est public. La gestionnaire quand j’avais signé ma convention, m’avait évoqué le nombre de personnes s’occupant des résidents et la somme qui était allouée chaque jour pour les repas. Tous vantaient l’établissement par rapport à cette autre institution vue à la télé. Et ce, même si la cuisinière sait que son budget va être raboté. Même si tous savent que la réduction d’effectif les fera tendre vers cette honte télévisuelle demain.

Kim

 

[Kim]

Donc, je m'y remets.

Le sujet du jour, c'est les oraux pour intégrer une école d'infirmier. D'abord, les oraux arrivent après les épreuves écrites. En général, il y a entre 300 et 400 personnes de sélectionnées. A l'issu de cet entretien, ne sont gardés que les candidats ayant au moins eu 10 à l'oral. Avec tous ces candidats, on fait ensuite un classement. Si il y a par exemple 300 personnes ayant réussi l'oral, on fait une liste avec les 300 reçus. Si l'Institut de Formation aux Soins Infirmiers (IFSI) a 90 places par exemple, les personnes ayant réussi l'oral mais n'étant pas prises, sont placées sur la liste complémentaire. C'est important car sur les 90 "reçus d'office", certains décident parfois d'aller dans un autre IFSI et du coup, comme une place se libère, on remonte ainsi dans la liste. Il arrive du coup, que les écoles remontent plus loin dans le classement. L'an dernier, Périgueux avec ses 92 places, s'est arrêté au 268eme candidat. Pour les candidats restant sur la liste complémentaire, rien n'est toutefois perdu. En effet, il arrive que d'autres écoles arrivées à la fin de leur liste complémentaire, n'aient pas assez de candidats. Dés lors, un candidat ayant réussi son oral mais n'étant pas pris sur la liste complémentaire de Périgueux par exemple, pourra postuler dans un autre IFSI, en mettant en avant qu'il avait été reçu à l'IFSI de Périgueux. L'école ensuite fait son choix parmi ces nouveaux candidats.

Maintenant, comment se passe l'oral ? Tout d'abord, on vous donne un sujet que vous préparez pendant dix minutes. Vous passez ensuite devant un jury composé de trois personnes travaillant dans les métiers de la santé (infirmière, cadre de santé, psychologue ...) qui au début de l'entretien se présentent. Ensuite, vous faîtes un exposé sur le sujet. Le jury vous posent des questions sur des points que vous auriez oublié de traiter en lien avec le sujet. Aller, des exemples de sujets: La pollution et ses conséquences, les salles de shoot ... Il peut aussi y avoir une image genre . Un smiley peut dire plusieurs choses allant de sa signification, de l'évolution du langage au rôle des personnels de santé et leurs conditions de travail difficile (genre on en chie mais on sourit (comme avec le smiley) pour ne pas montrer au patient notre mécontentement).

A Périgueux, j'ai eu droit à la mise aux normes handicapés, loi passée en 2015 et toujours pas mise en application. face à cela, l'ancien commerçant que je suis, s'est déchaîné. Mettre sur un pied d'égalité handicapés et non handicapés est une initiative louable mais malheureusement pas possible dans certains cas. Fait un petit restaurant situé dans un secteur historique pour mettre aux normes handicapé ses toilettes ? Quand pour accéder au cabinet d'un médecin il faut monter dix marches avant de pouvoir atteindre l'ascenseur, qu'il n'y a pas la place pour mettre une pente adaptée, que fait-on ? On détruit l'immeuble ? Quand des commerçants sont prêts à mettre aux normes mais que la Mairie n'a pas mis aux normes le trottoir juste devant le commerce, à quoi est-ce que cela sert ? Sans compter les frais engendrés et les difficultés de plus en plus grande des commerces de centre ville. Et les aides quasi inexistantes. Bref, que du bonheur avec en conclusion, le petit "plutôt que d'imposer des normes dans des endroits ne pouvant s'y adapter, il vaudrait mieux récompenser ceux s'y mettant via par exemple des déductions fiscales". Boum emballé c'est pesé.

La seconde partie de l'entretien porte sur les motivations. Les questions traditionnelles sont: "Pourquoi voulez vous être infirmier ?" "Pourquoi infirmier et pas aide soignant ?" "Pourquoi vous et pas un autre ?" "Êtes vous ouvert d'esprit ?" ... Inutile de dire que si vous faites des réponses comme "Je veux être infirmier car en école, il y a des tas de meufs et je vais pouvoir grave chopper" ou "Pendant mes loisir, j'aime bien prendre une batte de base-ball et aller avec mes potes agresser des petits vieux en bas de leur immeuble.", cela risque de ne pas le faire. Dans mon cas, la question classique, c'est "Pourquoi voulez vous réorienter vers le métier d'infirmier ?". Petite chose étrange, les membres du jury n'aiment pas trop les gens qui ont fait une prépa car comme ils ont travaillé leurs réponses, cela manque, derechef, de naturel. Mais en même temps, 90% des reçus à l'oral ont fait une prépa.

Donc voilà pour ce qui est des entretiens.

Kim

 

[Kim]

Donc, j'ai commencé mes cours à l'Institut de formation de Périgueux.

Les profs nous ont présenté l'institut durant les deux premières journées, ont fait des groupes de travail ... Et puis, bing, on est balancé dans le dur. L'Institut dépendant de l'Université de Bordeaux, nous avons des cours de professeur bordelais, cours enregistrés sur DVD et projeté dans l'amphi. Contrairement à ce que je m'attendais, ces cours ne sont pas ennuyeux. Par contre, ils sont durs à suivre. Le premier était sur la cellule. Cela commence soft avec les organismes monocellulaires puis ceux composés de plusieurs cellules. Puis paf, ça se complique. On parle de la cellule, de son noyau, de la membrane autour, du milieu dans la membrane, celui à l'extérieur, de la composition de la membrane, des diverses protéines qui s'y fixent, de tout un tas d'autres choses avec un jargon que vous ne comprenez pas et qu'il va vous falloir assimiler et aprés deux heures de cours interrompus (le dvd dure 3H30), vous vous dîtes "Comment je vais m'en sortir ?".

Toutefois, cela n'est pas tout. Il y a les cours faits par les profs de l'institut même. L'histoire du métier d'infirmière, son évolution, les différentes théories qui s'y lient. Car oui, il y a de la recherche au niveau des infirmières. Plusieurs définitions récentes autour d'un métier. Il y a des théoriciennes ayant listé les besoins des patients. Quand on présente les plus connues, je m'aperçois qu'elles sont toutes mortes centenaires. Ont-elles fini en EHPAD ?

Il y a aussi les travaux dirigés et les travaux pratiques. Là, on réfléchit et on nous introduit des concepts. Par exemple, il faut accompagner le patient. Par accompagner, on entend "être à côté du patient et le laisser faire ses choix". On doit respecter l'autonomie du patient (sa façon de faire des choix (du côté mental)). Un patient peut être non autonome mais indépendant. Indépendant implique libre de mouvement. En gros, le papy avec Alzheimer ne sera pas autonome mais indépendant (il peut tenter de quitter l'établissement et vaquer dans la nature). On nous sensibilise aussi à la notion d'hygiène. Hygiène corporelle, hygiène des mains, hygiène alimentaire, hygiène des aliments ... Quand on rentre dans une chambre, on apporte des bactéries. Quand on repart, on peut ramener des bactéries de la chambre chez soi. On nous fait réfléchir sur la notion d'intimité du patient, comment on doit lui demander pour entrer dans sa bulle intime (dés l'entrée dans la chambre), comment respecter sa pudeur...

Il y a différents types d'élèves avec moi: les jeunes sortis du bac ou pas loin et les vieux, souvent des aides soignantes voulant passer au level supérieur et dont la formation est payée par un établissement. J'aime bien charrier les vielles en leur rappelant que pas mal de méres désirant être infirmières abandonnent en cours car ne pouvant plus suivre et cours et vie familiale. On me lance alors un regard noir et j'aime aussi à souligner qu'il y a de l'anglais parlé, matière étant la bête noire de tous les étudiants (sauf moi).

Donc voilà pour les premiers jours.

Kim

 

[CL3M]

En lisant la "poubelle" je ne m'attendais pas à découvrir ton histoire Kim, dommage qu'elle se trouve ici !

 

[Kim]

Aller hop, je me remets à écrire.

Aujourd'hui, a commencé mon premier jour de volontariat sur les Félibrées, une fête occitane tournant en Dordogne et qui pour ses cents ans, a lieu sur Périgueux. Aujourd'hui, ce vendredi, j'étais de surveillance de 13 à 17 heures. En toute honnêteté, on ne m'avait pas bien expliqué mon poste. J'étais sur une place (qui normalement est un parking) et sur mon emploi du temps, il était précisé que je faisais de la surveillance. Du coup, au début, je me suis baladé sur la dizaine de stands présents, discutant ici et là de cette édition, avec des gens qui disaient que "C'était mieux l'an dernier" ou telle année dans un petit village, c'était tranquille.

Le problème, c'est que Périgueux, par rapport à un village, c'est une grande ville. A la réunion des bénévoles, on nous avait dit qu'ils attendaient 3000 visiteurs le Vendredi, 3000 le Samedi et 15000 le Dimanche. L’événement ayant lieu dans un endroit délimité, le Dimanche, l’accès aux différents lieux, est payant 6€ (mais gratuit les autres jours). Toutefois, là, arrive une absurdité administrative comme je les aime. Comme au niveau du dépôt de la manifestation auprès de la préfecture, il était indiqué le nombre global de personnes présentes, le plan vigie pirate a été activé. Dés lors, la place était entourée de grilles et on ne pouvait y entrer ou sortir que via les portes d’accès qui seront payantes Dimanche. Et donc, on m'a posté à une grille. A deux grilles précisément. Quand le responsable des bénévoles m'a expliqué mon poste, je me suis éloigné d'un des endroit grillagé où avait lieu un psychodrame: Un membre du comité organisateur de l’événement avait mal garé sa voiture. La fourrière était là, ainsi qu'une employée municipale ... L'employée empêchait toutes les personnes d'entrer ou de sortir. Un policier municipal était parti demander ici et là, si le véhicule n'appartenait pas à un exposant. Et il appartenait bien à un exposant, un gars qui avait amené une douzaine de tracteurs d'époque et qui, quelque peu enquiquiné, avait commencé à amener ses tracteurs prés des grilles en voulant se casser et avertir la radio, France Bleue, où il connaissait des gens. Apparemment, le psychodrame s'est calmé et à la fin, l'employée municipale qui tel un bull-dog, interdisait l’accès à la grille, a soulevé cette dernière et est rentrée comme il ne le fallait pas. Et je l'ai remplacé.

Le problème, c'est que je ne devais pas avoir trés bien compris les consignes. Je dois avoir une surdité qui se déclenche, une myopie qui augmente et beaucoup de soleil dans les yeux. Du coup, j'avais tendance à ouvrir la barrière aux personnes âgées, aux rares personnes qui voulaient entrer dans le lieu ... On va me dire que c'est pas bien car c'est vigie-pirate, mais un jour gratuit, pourquoi emmerder les gens. Il y avait vers 16H30, les parents qui devaient aller chercher leurs gamins de l'autre côté de la grille (à n'en pas douter des terroristes) et des gens qui voulaient faire un tour (avec un cagnard de 40° et une place éloignée de tout, ce la faisait du monde pour les commerçants qui après avoir faits des démonstration de métiers traditionnels aux élèves des écoles le matin, se désespéraient royalement du manque d'affluence et de vent). Il y avait aussi les exposants comme les gars qui fabriquaient le jus de pomme et qui avaient une tonne de cageots de pommes et qui n'allaient pas faire 200 mètres de plus pour des raisons de sécurité. Franchement, je ne pense pas qu'ils cachaient des kalachnikovs sous les pommes. Il y avait aussi les parents avec leur enfants qui allaient à la fête de l'école, un haut lieu bien connu de la préparation de bombes et autres explosifs. Des exposants qui avaient placé un banc à côté à l'ombre, m'ont dit que j'avais tendance à favoriser les jeunes filles. Je leur ai répondu que c'était faux car si la fille était moche, je ne la laissais pas passer, ce qui était faux car ma vue déficiente permettait à beaucoup de monde de passer. Jusqu'à la relève et le chef des bénévoles qui est arrivé avec deux personnes qui devaient prendre ma suite. A ce moment là, j'ai expliqué aux gens que comme allait le dire mon supérieur, je ne pouvais pas leur permettre de passer. Et mon chef est arrivé et un psychodrame est arrivé avec des parents d'élèves qui devaient aller chercher leurs gosses dans la maternelle à côté de l'autre côté du grillage, en les enjoignant d'écrire au préfet pour se plaindre. Et les deux bénévoles me remplaçant de continuer à suivre cette ligne rigide.

Donc voilà, aujourd'hui, j'ai permis à de dangereux terroristes, armés de chapeaux, de cageots de pommes et de gamins, d'entrer dans un lieu clos où il y avait du public (en fait trois à quatre personnes au mieux en plus de moi-même et des exposants). Mon inconscience a sûrement affolé des exposants qui avaient des gouttes de sueurs qui perlaient sur leur front (pas à cause de la température incroyablement haute) et qui m'ont donné une bouteille de jus de pomme et une pomme pas traitée trés bonne. Demain, je dois vendre des programmes liés à la manifestation, deux euros, et je crains déjà que certaines personnes mal intentionnées, ne s'en servent comme arme de destruction massive.

Kim

 

[Kim]

Il y a des choses parfois qu'on doit faire. Des choses qu'on sait que l'on fera et que parfois on repousse ou qu'on a peur de faire. Il y a dix ans, une amie à moi, est morte.

On s'était rencontré à la fac. A l'époque dans les amphis clairsemés de la fac d'anglais bordelaise, on remarquait de loin sa tête blonde assise dans les premiers rangs. Comme moi aussi, j'avais tendance à aller au plus prés, écouter ces profs qui souvent lisaient les cours qu'ils avaient retranscrits pour les élèves étudiant à distance - et qu'en bons élèves la quasi totalité des élèves assis s'étaient déjà procurés et photocopiés - donc, comme inévitablement, nous nous trouvions non loin, nous avions sympathisé. Elle venait d'une formation commerciale, une de ces écoles de commerce qu'elle avait quitté quelques temps après car ne s'y sentant pas à l'aise. Et elle avait atterri en anglais. De fil en aiguille, je l'avais invité à ces repas d'étudiants que je faisais dans mon appart. C'était pour moi, l'occasion de faire à manger et à la fin, tout se terminait par les kinders et les batailles de kinders. Car ce qui est interessant dans le kinder, ce n'est pas le jouet mais la capsule jaune que l'on peut aisément se lancer les uns sur les autres. Elle ne buvait pas d'alcool et moi trés peu. Nous étions proches et à chaque fois, nous aurions pu, comme on dit, mais avec le recul, aujourd'hui, je comprends combien ma bipolarité naissance rendait mes émotions étaient trop fortes.

Elle était partie à Swansea au Pays de Galles comme lectrice. Et moi plus tard, à Belfast. Mon expérience nord irlandaise, s'étant rapidement finie, j'étais parti faire la plonge à Dublin et m'éclater durant un an. pendant ce temps, elle avait donné des cours d'anglais comme professeur remplaçante sur Périgueux. Elle était venue un soir manger chez mes parents et elle avait évoqué ce problème de santé qu'on lui avait détecté au niveau des poumons. Une de ces maladies orphelines que l'on a pas trés bien identifié et qui lui donnait le souffle court. Mon médecin de père lui avait parlé d'opération mais elle ne le voulait pas. Elle était un peu roots, plus proche des remèdes naturels que des antibiotiques. Puis elle était partie en Thaïlande avec son copain, monter une boulangerie. Au début, cela s'était bien passé puis en fin de compte, il y avait eu un mic mac avec le type avec qui s'était associé son copain. Et celui-ci avait commencé à boire. Et elle était rentrée.

Elle avait achetée une maison qu'elle habitait avec une amie. Une fois, j'y étais venu la voir. Elle m'avait fièrement, montré son jardin, avec ses légumes, ses poivrons petits mais qui allaient grandir, ses tomates et ses quelques piments. J'étais naturellement reparti avec des légumes et du thym. Un soir où elle était venue me voir, elle avait amenée un gros saladier de mousse au chocolat qu'elle avait fait. Nous avions eu toutes les peines du monde à le finir mais nous en étions fièrement venus à bout. Puis j'étais parti à St Malo dans l'idée d'ouvrir une librairie. Elle travaillait alors comme traductrice depuis quelques années, et commençait à travailler fréquemment pour un éditeur. Elle continuait à traduire pour un autre éditeur et ce dernier lui avait confié un livre. Comme elle n'avait pas le temps, elle m'avait donné quelques chapitres à lui traduire. C'était un truc barbant, une méthode du siècle précédant, qui expliquait comment devenir riche. Une méthode de winner pleine de mots enthousiastes mais qui au final, ne vous aidait pas du tout. Et nous nous étions fâchés pour une connerie comme on dit.

Deux ans plus tard, par curiosité, j'avais lancé son nom sur Google et j'étais tombé sur un programme de messe d'enterrement. Elle était morte un an avant. J'ai téléphoné chez elle et son père m'a expliqué que sa maladie l'avait emportée. A la fin, ses poumons étaient comme du gruyère. Mais elle était parti en paix car on l'avait mis dans un service où on l'avait préparée pour. Il y avait en moi comme un vide, ce regret de m'être fâché avec elle, de n'avoir pas été là. Les grosses colères d'hier paraissent bien dérisoires avec le temps. Je me suis toujours dit que j'irai sur sa tombe un jour. Et cela depuis dix ans. Elle n'est qu'à une centaine de kilomètres et pourtant, jamais, je n'en ai eu le courage. Plusieurs fois, j'aurai pu y aller, en passant dans le coin mais à chaque fois, il y avait toujours quelque chose qui faisait que ... Puis aujourd'hui, je me suis lancé. Je dois passer ce week-end voir un festival de la bière et j'ai appelé sa famille pour demander où était sa tombe. Sa mère m'a tutoyé et gentiment invité à passer chez eux. Je lui ai dit que nous irions ensemble au cimetière. Dix ans aprés. Dix ans après pour faire un deuil.

Kim

 

[solem]

Quelle stupidité ce nom de poubelle .
Texte sobre et beau .

 

[Kim]

Il y a des choses qui se déroulent différemment de ce que l'on pensez. Hier, je suis donc aller sur la tombe de mon amie. Mais avant cela, je suis allé voir sa famille. C'était assez étrange car je n'avais pas beaucoup vu sa famille. Je les avais croisé il y a vingt ans quand la sœur de mon amie, était morte dans un accident. Il y avait eu une messe émouvante dans une église bordelaise puis nous étions allé à un "pot", cette chose que l'on fait souvent après un enterrement. Comme pour meubler le vide de la mort avec de la vie.

Là, c'était étrange. Dans l'entrée, il y avait une photo de mon amie souriante, regardant vers le haut. Cette même photo se retrouvait sur la cheminée du salon. Il y avait d'autres photos sur les murs, dans des cadres sur la tables ou sur la cheminée. On y voyait des membres de la famille, de ces moments fugaces de réunions immortalisées sur du papier. Mais aucune photo n'était aussi grande que celle de mon amie. En terme de taille, elle les dominait énormément. Autour d'une tasse de thé, sa mère me parle d'elle. Nous évoquons son parcours, échangeons des anecdotes. Le père assis dans un coin de la pièce à l'opposé, écoute. Il y a aussi les banalités, ce que je suis devenu, ma maladie, la pizzeria, le festival de bières artisanales. Puis, je mets en avant cette gêne, cette peur, ce devoir de venir voir la tombe avec tout ces hésitations, ces moments où l'on repousse à plus tard car quelque part, on est plus gêné qu'autre chose. Sa mère comprend. Il lui est arrivé d'éprouver ces mêmes divisions intérieures. Je lui explique comment j'ai appris pour la mort de mon amie, cette annonce froide et fortuite donnée par un lien d'une recherche google. Elle évoque la maladie de mon amie. Dans son discours, je comprends qu'il y a eu deux moments. Avant l'hospitalisation et pendant, quand elle vivait ses derniers moments. Et là, je m'aperçois combien cette période a marqué ses proches et combien cette mort continue d'être là. Je me hasarde à demander si ils y pensent encore. Le père me rétorque que, tous les jours, il y pense. La mère, me dit que cela va mieux pour elle, surtout depuis que son fils et ses petits enfants sont chez eux. Mon amie avait acheté un maison sur Bordeaux. A sa mort, son frère l'a habité avec sa femme, et maintenant ses enfants. Toutefois, ils ont lancé des travaux pour améliorer cette dernière. Un an de travaux et du coup, durant le chantier, ils habitent chez les parents.

Elle m'explique que son petit fils est autiste, atteint du syndrome d'Asperger. Ce n'est pas facile, surtout avec sa sœur car parfois, il ne sait pas doser sa force mais il comprends beaucoup de choses comme le nom des plantes qu'elle lui apprend ou d'autres choses. elle va chercher quelque chose dans un bureau à côté. Ce dernier est envahi de jouets , camions, poupées rangés dans des corbeilles. De la vie. Nous revenons dans le salon. Elle me donne un livre que la cousine de mon amie a écrit et dans lequel, elle évacue. Elle a mis dix ans à l'écrire. Il y a une partie imaginée mais il paraît qu'on devine ce qui s'est passé, les personnes derrière. Elle, elle ne l'a pas lu. Elle n'en a pas la force. Elle me donne l'adresse mail de la cousine si je veux faire un retour. Ce qui est étonnant dans toute la conversation, c'est qu'il n'y a pas que les parents de mon amie qui ont été marqué. Son ancien petit ami, avec qui elle était parti en Thaïlande, était prés d'elle quand elle est morte. Il s'est remarié, il a divorcé. Il pleure toujours quand il parle d'elle. Il a organisé une rencontre pour les dix ans de la mort de mon amie. Sa mère l'a aidé, même si cela a été très difficile pour elle. Elle recherche une lettre qu'a écrite mon amis, cinq jours avant sa mort. Quelque chose de beau, poignant qui a été lu durant la messe. Elle me l'enverra par mail.

Ensuite, nous allons sur la tombe. C'est une grande tombe en marbre gris. Dedans il n'y a que mon amie. Sa sœur avait elle, était enterrée dans les Landes où demeure une partie de la famille. Pour mon amie, c'était différent. Elle avait émis le souhait d'être enterrée là, où elle avait vécu. Du coup, elle était toute seule dans cette grande tombe grise. Sur cette dernière, des coquillages. Sa mère vient souvent avec ses petits enfants sur cette tombe. Ils vont voir Tata et les enfants dessinent des fleurs, des cœurs avec des coquillages. Je sors les deux pots de chrysanthèmes que j'ai acheté pour l'occasion. Nous les disposons de part et d'autres de la tombe. La mère me laisse ensuite seule avec la tombe et me demande de fermer la porte du cimetière en partant. Je dis des mots, des choses rapides, un adieu. En partant, je repense à cette famille, à ces personnes qui, dix ans après restent avec le souvenir présent de leur fille. Je me dis que peut-être, si il n'y a avait pas ces grandes photos dans leurs lieux de vie, peut-être que le deuil pourrait plus facilement se faire. On n'oublie jamais mais on supporte peut-être mieux. Peut-être. Peut-être ...

Kim

 

[Kim]

Bon, aller une petite chronique.

Depuis quelques temps, j'ai envie de me reconvertir dans l'évènementiel. Ouais, je sais, la période Covid n'est pas ce qu'il ce fait de mieux pour s'orienter vers cette profession. Sur Périgueux, il y a trois options pour y travailler. D'abord, bosser pour CLAP (Culture Loisir Animation en Périgord). Cette asso a été fondée, il y a quelques années et s'occupe de tout ce qui est musical (le concours de la Truffe d'argent, Sinfonia (festival de la musique baroque), la fête de la Musique, Macadam Jazz (des concerts de jazz sur une place en été une fois par semaine) et le Salon du Livre Gourmand (un salon du "livre" avec des restaurateurs ... (Le "plus" gros évènements de Périgueux)). Le problème, c'est que je n'apprécie pas le directeur de cette association ultra subventionnée)). Autre option, la Mairie. Là, c'est plus délicat mais je ne m'en cache pas, c'est l'endroit qui m'attire le plus. Et enfin, créer son asso, faire un max d'évènements et se salarier à terme.

Maintenant, que faire sur Périgueux ? Quels sont les manques de la ville ? A l'instar de nombreuses villes moyennes, le centre-ville de Périgueux souffre. Le chiffre d'affaire des commerces baisse chaque année; les fermetures se multiplient affectant les quelques enseignes qui ferment même dans la rue traditionnellement la plus en vue de la ville. Que faire ? A cela s'ajoute le faible afflux touristique de la ville. Je dis "faible" car le site le plus touristique en Dordogne, est Sarlat. Sarlat bouge dans l'esprit d ebeaucoup de personnes. Quand on reçoit de la famille à Périgueux le week-end, on va manger à Sarlat car rien n'est ouvert sur Périgueux.

Dans de nombreuses villes, plusieurs solutions ont été mises en place vis à vis des vitrines vides. C'est souvent le fait de mairie, parfois d'associations ou d'entreprises. Qu'est-ce qu'il s'y fait ? Souvent, aprés négociations avec les propriétaires, on place des oeuvres d'arts dans les vitrines. Ces oeuvres sont soit négociées avec les artistes eux-mêmes, soit avec une arthothèque locale. Il y a aussi les fausses vitrines. On place un joli autocollant géant représentant une boutique. Parfois, à défaut de faux magasins, les autocollants ont un théme plus naturel (genre de beaux animaux ...). Et puis, il y a aussi une entreprise qui propose de dormir dans un magasin. On fait un beau décor avec de beaux meubles et une belle thématiques (genre une bouquinerie) au milieu duquel, on met un lit confortable. Apparamment, cela marche mais perso, je suis sidéré que des gens acceptent qu'on les voit dormir dans un magasin. Aprés, je suis peut-être une exception, mais je me vois mal me gratter les testicules théoriquement à la vue de tous avant de me mettre au lit. On assistait au lever de Louis XIV. Je ne suis pas sûr d'être aussi sexy le matin.

Kim

 

[Kim]

Back on the 3615 ma Vie.

Avec le confinement, ma bipolarité s'est un peu aggravée. Entendez par là, que j'ai des trous de mémoires que je n'avais pas avant. C'est un peu ennuyeux par moment. J'ai aussi appris que quand on est bipolaire, on a un handicap mental. Du coup, j'ai fait une demande à la MDPH et j'ai reçu une réponse positive. Dés lors, j'ai eu accés à Cap Emploi. En gros vous êtes vraiment suivi par un conseiller et vous n'êtes plus un numéro quelconque. Bref vous passez du rang de poulet élevé en batterie à 45 dans une cage au statut de poulet bio. Bref, que du bonheur.

Et puis, il y a eu aussi le Samsah. Le Samsah est une structure qui vous accueille et vous suit. Aprés trois entretiens avec une psychologue, j'ai été admis. Trés rapidement. On m'avait dit que pour intégrer cette structure, il y a avait une liste d'attente assez longue (comptez cent personnes devant vous). Sauf que la MDPH recommande à toutes ses personnes d'y aller mais beaucoup n'y vont pas. Quoi qu'il en soit, dés que j'ai touché mon allocation handicapé, j'ai téléphoné pour intégrer la structure et comme peu de personnes devaient le faire et qu'il y avait une place de libre, on m'a intégré à la structure.

Le Samsah, c'est quelque chose d'assez étrange. D'abord, il n'y en a que deux en Dordogne et les deux sont sur Périgueux. Le premier s'occupe des handicaps physiques quand le second est spécialisé dans les maladies mentales. Celui des maladies mentales se situe dans une maison. Il n'y a pas d'écriteaux ou quoi que ce soit l'indiquant hormis le nom sur la boîte aux lettres. L'intérieur est une maison avec une véranda (pour les fumeurs), un salon-salle à manger, une cuisine, une salle info ... Au Samsah, il y a cinq éducateurs qui se relaient (en général, il y en a deux qui sont toujours présents), une infirmière, le directeur, la psychologue et une vingtaine de patients. Une vingtaine, sauf que tous ne sont pas toujours là.

Les éducateurs aident les patients en allant chercher en voiture, les patients qui ne peuvent pas se déplacer. Tout les patients doivent venir voir la psychologue une fois par semaine. Gratuitement. Le Samsah propose des services comme une salle de sport gratuitement une fois par semaine (avec un établissement où ils ont un accord). Il y a aussi des tarifs au cinéma ou des sorties (visite d'un château par exemple). Mais à chaque fois, il faut y aller avec un éducateur.

Une grande majorité des autres patients du Samsah, me semble plus atteint que moi. Peut-être est-ce parce que je n'ai pas intégré la structure depuis longtemps mais je me sens un peu comme un chien dans un jeu de quilles. Ils sont trés gentils, mais j'ai l'impression de penser à 300 à l'heure. Pour le nouvel an, j'avais amené des jeux. J'ai joué avec les éducateurs puis deux patients se sont joints pour jouer. J'avais choisi un jeu simple de dessin (Looney Quest) qui n'étant pas trés difficile, a été apprécié. Même si je me sens un peu décalé par rapport aux autres, j'aime bien cette endroit et les gens qui y sont.

Kim